L'éclat du presque rien

2021-2024

 Photogrammes et variations chromatiques du chantier du Grand Palais 

Élevé en 1900, le Grand Palais est le symbole de la modernité triomphante. Un siècle plus tard, en 2021, sous la direction de l’architecte François Chatillon, le bâtiment entre en métamorphose. Le chantier, colossal, mobilise une multitude de corps de métier — mosaïstes, statuaires, ferronniers, charpentiers, restaurateurs de verrières — qui œuvrent à redonner au monument toute sa splendeur originelle. La grande nef est dépecée, démontée, réassemblée pièce à pièce, comme un immense puzzle, une œuvre d’art en pleine réinvention. Marguerite Bornhauser a eu la chance d’assister à ce moment historique, au cœur de ce travail exceptionnel.

Invitée en résidence par le Grand Palais en carte blanche, avec le soutien du mécène Louis Roederer, Marguerite Bornhauser a choisi une approche sensible, une forme de documentaire poétique. Année après année, elle a déambulé dans les labyrinthes du chantier, capturant l’évolution des lieux à travers ses photographies des à cotés et détails du chantier. Mais plus encore, avec l'aide des ouvriers, compagnons et techniciens, elle a recueilli tout au long de ses déambulations des débris, des fragments oubliés, étiquetant chaque morceau, précisant date et provenance en les conservant dans son atelier.

A partir de ses rebuts du chaniter, elle a travaillé le photogramme couleur, technique argentique sans appareil photo, en déposant ces fragments directement sur le papier photosensible en laboratoire. La chimie, la matière et la lumière ont fait émerger des formes abstraites, intenses, vibrantes, où couleur et matière dialoguent. Ces images transforment les objets en spectres, en apparitions où se mêlent mémoire et abstraction. Habituellement réservé au noir et blanc, le photogramme se métamorphose ici en un langage chromatique et vibrant.

Ces débris sont des petits morceaux de la grande histoire ; ils témoignent de la transformation en train de s’écrire, des mains qui travaillent, des instants fugaces. Ils portent en eux les traces du changement, les marques discrètes que l’Histoire conserve. Un vieux boulon, une plaque, un reste anodin deviennent matière à rêverie, chargés d’une mémoire intime et fragile. Ce travail restitue une mémoire sensible du chantier, le spectre du Palais se révèle dans ces fragments en suspens, ces résidus colorés où l’éclat du peu illumine l’inaperçu. C’est l’esthétique du presque rien, la poésie du détail oublié, le chant discret des restes qui brillent encore.

Exemplaires uniques 2021-2024 - formats variés
Avec le soutien de la RMN Grand Palais et Louis Roederer

Ce projet donnera lieu à un livre d’artiste publié par les Éditions Poursuite, ainsi qu’à une exposition au Grand Palais.