Plongée

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Marguerite Bornhauser - Plongé
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Info

Plongée

2017


" Envisagée comme une rencontre entre deux artistes, deux médiums, deux univers, mais aussi avec un lieu particulier, l’exposition propose au visiteur de faire l’expérience d’une plongée dans l’obscurité des sous-sols d’Ourcq Blanc, où les photographies de Marguerite Bornhauser rencontrent les installations sculpturales de Léa Dumayet.

La première, diplômée de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, présente ici pour la première fois une nouvelle série d’images réalisées lors de plusieurs voyages. Après avoir rendu compte de la superficialité plastique de notre monde contemporain dans sa série « Plastic Colors », elle déporte ici son regard, dans une approche plus intime et contemplative, sur les éléments naturels et les éblouissements qu’ils procurent, toujours à la recherche d’un « surgissement », conjonction inopinée et audacieuse de couleurs, de formes et de textures. Ici, nous sommes éblouis par le scintillement du soleil qui vient frapper l’eau turquoise. Là, c’est un buisson ardent jaune fluo qui émerge d’une étendue désertique. Ailleurs encore flamboie le rouge intense d’une plante étrangement abîmée par la chaleur, tandis qu’à l’horizon le ciel et la mer se confondent dans un subtil dégradé de bleus.

La seconde, diplômée des Beaux-arts de Paris, fait des matériaux qu’elle utilise et des lieux qu’elle investit les points de départ indispensables de chacune de ses installations. Dans une démarche instinctive, elle apprivoise les matières (verre, métal, plexiglas…) en en expérimentant les caractéristiques propres (poids, souplesse, résistance, réaction à la lumière), avant d’envisager pouvoir les transformer, les reconfigurer, les assembler. Ses installations sculpturales, aussi éphémères que modulables, sont autant de réponses directes aux espaces qu’elles occupent. Tendues, fragiles, les formes alors dessinées créent des courbes, des reflets, des profondeurs qui résonnent avec le vide qu’elles habitent.
Conçue spécifiquement en réaction à la minéralité brute de ce lieu étonnant, propice aux expérimentations plastiques, et dont la mezzanine métallique évoque le pont du bateau, l’exposition se veut une invitation au voyage.

En tendant à travers l’espace un immense filet, Léa Dumayet conçoit une sculpture aussi monumentale qu’imperceptible, que viennent percuter les photographies de Marguerite Bornhauser. Si le filet accroche la lumière (on pourrait alors parler de bonne prise, pour rester dans le vocabulaire maritime), il la laisse également passer. À la limite de l’abstraction, l’image ainsi dédoublée se métamorphose en sculpture lumineuse en suspension. À l’image du triptyque de photographies imprimées sur plexiglas et suspendues sous la mezzanine, surfaces planes transparentes qui se laissent traverser par la lumière, et créent des reflets colorés. À travers ce dialogue entre image et matière, les photographies sont autant à apprécier pour ce qu’elles montrent que pour les surfaces qu’elles engendrent. Mais aussi pour les fantasmes qu’elles génèrent. Ainsi, plus loin, un effrayant essaim d’œufs de requins envahit une grotte de béton et fait écho au gigantisme menaçant des vagues d’un bleu profond, évoquant les profondeurs abyssales qu’une installation sonore, conçue à partir des matériaux mêmes de l’exposition, vient suggérer.
L’eau, élément au cœur de cette exposition, surface miroitante génératrice de reflets mais qui se laisse également pénétrer par la lumière tout en la distordant, s’entend alors comme une métaphore de la pratique de l’artiste, qui ingère, déforme et régurgite la réalité par la singularité de son regard."
Thomas Lapointe

"Quand je vois à travers l'épaisseur de l'eau le carrelage au fond de la piscine, je ne le vois pas malgré l'eau, les reflets, je le vois justement à travers eux, par eux. S'il n'y avait pas ces distorsions, ces zébrures de soleil, si je voyais sans cette chair la géométrie du carrelage, c'est alors que je cesserais de le voir comme il est, où il est, à savoir : plus loin que tout lieu identique. L'eau elle-même, la puissance aqueuse, l'élément sirupeux et miroitant, je ne peux pas dire qu'elle soit dans l'espace : elle n'est pas ailleurs, mais elle n'est pas dans la piscine. Elle l'habite, elle s'y matérialise, elle n'y est pas contenue, et si je lève les yeux vers l'écran des cyprès où joue le réseau des reflets, je ne puis contester que l'eau le visite aussi, ou du moins y envoie son essence active et vivante. C'est cette animation interne, ce rayonnement du visible que le peintre cherche sous les noms de profondeur, d'espace, de couleur."
Merleau-Ponty, L'œil et l'esprit, 1960